L'Histoire de l'Occitan

Richard Coeur de Lion, roi d'Angleterre, parlait et écrivait des poèmes Occitans.

Les Origines

L'Occitan est une langue romane, c'est à dire qui vient (entre autre) du latin. Le texte le plus ancien où l'on peut trouver le terme de langue d'oc (lingua d’oco) est chez le poète italien Dante (1303) puis dans des textes administratifs du XIVe siècle (lingua occitana).

Pendant les premiers siècles après Jésus Christ, en raison de la domination romaine, toute une partie du monde autour de la méditérranée parle le latin aussi longtemps que se maintient l'empire romain. Le latin se diversifie toutefois du fait de l'influence des langues des peuples que l'Empire Romain occupe. La chute de l'Empire romain, au Ve siècle, et les invasions barbares qui la précèdent et la suivent aboutissent au découpage de l'ancien empire en de nouvelles unités linguistiques. Le latin n'est plus parlé après le VIe siècle et se transforme en un certain nombre de parlers nouveaux : l'espagnol, le portugais, l'occitan, l'italien, le catalan, le dalmate (disparu), le roumain et le français (langue la plus éloignée du latin.). Le latin continue a être employé à l'écrit pendant tout le Moyen-âge, la Renaissance (etc.) comme langue de culture et sert à exprimer ce qui concerne la vie de l'esprit : la religion, la philosophie, la science, les lettres. En Gaule, les Francs installés au nord de la France (dans les Flandres actuelles) fondent, sous Clovis, un royaume qui sera le berceau de la France. Leur influence linguistique se limitant à cette partie du territoire déterminera l'actuelle division de la France en parlers d'oïl (le futur Français) et parlers d'oc (L'Occitan), ces deux mots signifiant oui dans chacune des deux langues.


L'Apogée

A la fin du XIe siècle (Moyen Age), dans le Nord de la France domine la chanson de geste, (qui raconte des histoires aux thèmes guerriers). Au sud, s'épanouit le thème de l'amour : l'amant se présente en soupirant, se proclame le vassal de sa dame, et fait de l'amour le but de sa vie. Né de la langue d'oc, ce genre nouveau, que l'on appelera la poésie courtoise parce qu'elle s'adresse à un public de cour, se propage rapidement, pas uniquement en Occitanie, mais également en Italie, en Espagne et au Portugal. Elle domine la production littéraire jusqu'à la fin du siècle pour ensuite, après la croisade, laisser place aux "sirventès", poèmes satiriques dirigés contre l'occupant.


La Répression

En Occitanie, les gens adoptent et encouragent la propagation d'une nouvelle foi, le catharisme (croyance dérivée du christianisme primitif et d'autres philosophies plus orientales). Cela provoque la colère et une réaction violente du pape Innocent III: une croisade est lancée! Elle est menée par les rois de France. On l'appelle la Croisade des Albigeois. Cette croisade, dont le prétexte est la lutte contre l'hérésie, est aussi un prétexte pour conquérir les régions de l'Occitanie, en 1229. Cette croisade annonce le déclin de la civilisation et de la littérature méridionales, une fois éteints les derniers feux de la révolte exprimés dans les poèmes polémiques, les "sirventès". La colonisation des régions conquises ne se fait pas sans peine : de nombreuses révoltes éclatent, mais elles sont réprimées dans le sang et n'aboutissent pas. La langue occitane reste parlée, mais la langue écrite, celle de l'administration devient peu à peu celle du pouvoir : le français.
Au début du XVIIe siècle, on assiste à une forte poussée des créations occitanes: oeuvres carnavalesques, théatre, satires, noëls, spectacles de rue. Mais le pouvoir absolu de Louis XIV contribue à la déchéance de l'occitan: des Académies locales, filiales de l'Académie Française, sont créées dans le but de répandre le français. Les enfants de la société nantie parlent français. Cependant la langue d'oc continue d'être parlée par le peuple et, si on ne l'écrit plus, on réédite les écrits du début du siècle qui ont un public nombreux.
Au XVIIIe et jusqu'au milieu du XIXe siècle se succèdent les périodes de stérilité et les périodes de renouveau. L'Occitan, victime de la volonté centralisatrice venue de la révolution et perpétuée par les différents régimes qui l'ont suivie continue d'exister, mais n'a pas d'existence administrative ni politique.


Le Felibrige

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle un mouvement occitaniste dont Frédéric Mistral est la figure la plus représentative, le Félibrige, a un gros impact sur la vie littéraire occitane. Mais tous ses membres ne portent pas sur le plan politique leur rêve nationaliste et fédéraliste. Ils ne se soucient pas de l'enseignement primaire, croyant qu'apprendre aux enfants à lire les almanachs félibréens suffirait pour sauvegarder la langue. Conséquemment , ce mouvement qui a provoqué un renouveau littéraire indéniable, n'a pas empêché l'occitan de pâtir gravement de l'avènement de l'enseignement obligatoire vers la fin du siècle. Scolarisation et francisation allant de pair, l'occitan devient hors la loi à l'école. Les instituteurs se font les exécutants zélés d'une politique d'élimination de l'idiome vernaculaire: ils apprennent aux enfants à avoir honte de la langue de leurs parents. Le français est présenté comme un moyen d'ascension sociale ce qui explique la faible résistance à l'entreprise de francisation. Ce travail de propagande est complété auprès des jeunes gens par le service militaire obligatoire. La "Grande Guerre" (194-1918) est une étape importante de la décadence des régions occitanes : bien qu'elles n'aient pas subit d'opérations militaires, et que leur économie ait été passagèrement stimulée par la guerre et la paralysie du nord, près d'un million d'occitans, des paysans le plus souvent, sont victimes de l'affrontement des nationalismes européens exacerbés. Les pertes humaines sont supérieures à la moyenne nationale. Cette hécatombe accélère les déséquilibres démographiques et est fatale à certains villages. Ce conflit a renforcé la volonté d'uniformisation, le "national-chauvisme" et la promotion des modèles du nord de la France, aux dépens des particularismes régionaux. L'usage de la langue d'oc s'en est trouvé dévalorisé et a régressé.


Des années 60 à aujourd'hui

L'Institut d'estudis occitans devient un organisme de rencontre et de réflexion. Un nouveau départ est possible grâce aux travaux de Louis Alibert, artisan de la renaissance linguistique, de Robert Lafont, théoricien de l'occitanisme progressiste et de quelques autres. On assiste à une explosion nationaliste dans laquelle les jeunes tiennent une place importante. L'Occitan est parfois la langue de la contestation : Decazeville, les viticulteurs, le Larzac, les "exilés" de l'intérieur... A partir de ces événement on parlera de plus en plus de colonialisme intérieur : l’Occitanie, réserve de matières premières et de main-d’œuvre, serait colonisée par le nord et surtout par Paris. Et c’est bien ici que se situe la brèche, dans le lien avec les mouvements de décolonisation qui fleurissent à travers le monde depuis la fin de la guerre. C’est ce thème, présent dans tout le monde occidental, qui servira de fil conducteur à la revendication occitane pendant toute la période. Au niveau culturel, le discours sur la décolonisation s’accompagne d’un discours antiraciste porté par l’Unesco qui permet la valorisation de toutes les cultures, et de toutes les langues, comme égales entre elles. Ces mouvements de l'après 68 sont autant de phénomènes liés à l'envie, parfois naïve, de changer la vie, d'ériger un monde meilleur en retrouvant une authenticité dans la langue et la culture du pays.
Ce qu'est la langue occitane, la plupart des habitants de Toulouse, Montpellier, Bordeaux ou Marseille, n'en ont qu'une conscience diffuse. Ils ne savent pas que le "patois" est la langue des troubadours et qu'elle est aussi enseignée dans une vingtaine de pays des cinq continents. La chanson ne se cantonne plus dans le folklore: elle devient revendication culturelle et politique. Nous retiendrons les noms des interprètes les plus connus: Claude Marti, Mans de Breich, Patric, Los de Nadau, Daumas, Tocabiol, Jacmelina, Maria Rouanet... Le théâtre aussi est porteur de message: l'usage de la langue occitane étant, en soi, une prise de position, on peut l'utiliser pour traiter d'autres sujets. Une troupe comme celle du Teatre de la carriera (Théatre de la rue) écrit collectivement ses textes à partir d'enquêtes et met en scène, parfois sous forme bilingue, outre le sort du peuple occitan, celui de la femme occitane. La transmission familiale de l'occitan est de plus en plus rare, mais on assiste à une solide transmission à travers l'école.

Pour Aller plus loin :
Histoire d'Occitanie, (Institut d'Etudes Occitanes), Paris, Hachette, 1979.
La littérature d'Oc, Jean Rouquette, Paris, PUF, Que sais-je?, 1980.
Histoire chronologique de la civilisation occitane, André Dupuy, Saber, 1985
Mem'Oc, Abrégé de culture occitane, CRDP Midi Pyrénées